"Enverdi est à la fois un outil opérationnel et une méthode d'investigation"
08 Juin 2017
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Pouvez-vous présenter vos activités en quelques mots ?
Le SIAAP est un syndicat public en charge du transport et du traitement des eaux usées de Paris et 180 communes de la région parisienne, soit 2,5 millions de m3 traités chaque jour dans 6 stations d'épuration. Je fais partie de la direction technique qui a vocation d'une part à apporter de l'assistance scientifique et technique à nos exploitants et d'autre part à développer une activité R&D de fond dans le but améliorer notre expertise.
Nous travaillons avec un certain nombre de partenaires, dont des partenaires universitaires dans le cadre de programmes de recherche. Nous coordonnons notamment le programme de recherche MOCOPEE pour Modélisation, Contrôle et Optimisation des Procédés d'Epuration des Eaux. C'est un programme qui associe scientifiques et opérationnels en charge du traitement des eaux usées urbaines. Dans le cadre de MOCOPEE, nous travaillons avec AMS Envolure depuis le début : c'est un partenaire fondateur de ce programme, qui a environ 2 ans.
Quels sont les enjeux actuels du traitement des eaux usées dans une région urbaine comme la vôtre?
Le contexte du traitement des eaux usées a fortement évolué ces dernières années tant d’un point de vue technique que réglementaire. Dans nos usines, on a aujourd’hui des procédés excessivement réactifs avec de très faibles temps de séjour. Par exemple, dans le cas des traitements biologiques, là où on avait un temps de séjour de 20 heures, il est aujourd'hui d’à peine 2 heures. Les conditions d'exploitation qu’on applique ont ainsi un impact immédiat sur la qualité du rejet.
Le contexte réglementaire évolue lui aussi très vite : nous sommes passés de l’ère DERU (Directive Eaux Résiduaires Urbaines, 1991) à l'ère de la Directive Cadre sur l'Eau (2000). Nous sommes passés d’une obligation de moyen à une obligation de résultat. Nous devons restaurer le bon état de nos rivières, évalué en se référant aux normes de qualité environnementale notamment définies pour l'azote, le carbone, le phosphore... et si on veut atteindre ces objectifs, il faut que, sur nos stations, on soit très performant en toutes circonstances. Il faut pour cela développer des outils qui nous permettent d'avoir une maîtrise complète de nos procédés ; il s'agit d'outils de mesure (métrologie en continu), des méthodes de caractérisation, ainsi que des outils mathématiques (modèles d'aide à la décision).
Enfin le contexte économique a également évolué. L’amélioration des performances génère des consommations de réactifs et d'énergie en hausse. Un des objectifs de notre R&D est d’accroître le niveau d’optimisation de nos systèmes de transport et de traitement pour limiter l'impact économique de notre activité.
Le programme MOCOPEE est là pour ça, pour générer la connaissance et construire les outils qui doivent nous permettre d'améliorer à la fois la maîtrise de nos systèmes et leur niveau d'optimisation. Nous avons conscience que pour avancer sur ces sujets nous devons être capables de changer de référentiel et de faire évoluer nos pratiques et nos outils.
Comment s'inscrivent les kits Enverdi dans la réalisation de ce programme ?
Les kits Enverdi sont une méthode novatrice de caractérisation biologique de nos effluents. Nous y avons vu très vite deux intérêts : d'abord redonner à la DBO un caractère opérationnel car son délai habituel de réponse (5 jours) nuit à son utilisation dans un cadre opérationnel. Le fait d'obtenir cette valeur essentielle -la matière organique biodégradable est quelque chose de très important à suivre dans le cadre de nos activités- en 48h lui donne un caractère opérationnel, autrement dit on l'utilise pour autre chose que pour faire des bilans d'exploitation. Nous avons travaillé à adopter et à valider cette méthode et nous avons pu montrer, dans le cadre de notre collaboration, que cet outil permettait d'estimer, de manière fiable et robuste, un équivalent DBO5.
Et le second intérêt d'Enverdi ?
Toujours dans le cadre de MOCOPEE, nous avons décidé d'aller plus loin car Enverdi est un véritable outil de fractionnement biologique de la matière organique. L'idée est d'utiliser cette micro-méthode pour avoir un fractionnement très fin de la matière organique tel qu'on pourrait l'obtenir avec les méthodes respirométriques classiques, sauf que c'est beaucoup plus facile, moins long et moins complexe à mettre en oeuvre.
Avoir des informations fines sur la matière organique qui entre ou qui transite sur nos usines a de multiples applications opérationnelles, pour alimenter nos modèles de prédiction du fonctionnement des stations d'épuration, ou pour évaluer le potentiel de dénitrification de nos effluents, par exemple.
Important :
La méthode Enverdi, ou DBO2, est considérée comme un substitut fiable à la DBO5, mais pas encore reconnue en tant que méthode officielle.
En mars 2017 Enverdi DBO a été retenu dans le dispositif France Expérimentation du gouvernement français afin d'évaluer ses performances dans des conditions réelles, dans le but de faire évoluer la législation française pour qu'elle soit, à terme, intégrée dans les méthodes officielles.
Un décret, attendu dans les jours prochains, autorisera le début de cette expérimentation dans un cadre légal.
Merci à Vincent Rocher pour ses réponses.